© AFDChristian Bock, directeur de l’AFD, est jusqu’ici ravi des progrès du programme DaziT.Christian Bock, directeur de l’AFD, est jusqu’ici ravi des progrès du programme DaziT.Christian Bock, directeur de l’AFD, est à la tête du programme DaziT. Nous avons discuté avec lui de sa réussite, de ses défis ainsi que des événements à venir.

M. Bock, le programme DaziT est lancé, et les premières solutions sont prêtes. Où en êtes-vous dans le calendrier et le cadre budgétaire ?

Le programme DaziT tient le bon cap. Le portefeuille et la feuille de route connaissent une évolution dynamique, et les nouvelles découvertes, par exemple concernant les développements dans le domaine des accords de Schengen/Dublin, sont intégrées avec une grande agilité. Nous comptons même accélérer encore davantage le calendrier grâce aux synergies. Notre politique prudente en matière de dépenses et les diverses replanifications que nous avons effectuées nous ont jusqu’ici permis de rester en deçà des prévisions budgétaires.

Pour le programme DaziT, vous avez besoin de colla­bo­rat­eurs dotés d’un certain savoir-faire informatique et en matière de management et de projets, ainsi que de spécialistes internes. Avez-vous dû faire face à une pénurie de personnel « sur le front » ?

Oui et non. Oui, car nous avons besoin pour nos projets de collaborateurs expérimentés et hautement qualifiés, que l’on ne peut pas remplacer du jour au lendemain. Les collaborateurs apprécient d’ailleurs beaucoup ces possibilités de développement supplémentaires ! Nous voulons façonner l’avenir avec des collaborateurs qui savent comment fonctionnent les affaires « à l’extérieur », et peuvent apporter des idées en vue d’une simplification. Et non, car ces collaborateurs proviennent de différentes régions et unités, ce qui représente à chaque fois une opportunité de reconsidérer l’organisation actuelle et d’accroître l’efficacité le cas échéant.

Au début du programme DaziT, des critiques parfois très virulentes ont été émises par les collaborateurs, parfois ciblées « sur la personne » . Sur quelle base repose aujourd’hui le programme DaziT ?

Nous vivons une transformation très profonde : les angoisses, les réflexions et les questions sont tout à fait normales. Nous prenons ceci au sérieux et menons un dialogue actif avec le personnel. En février 2019, j’ai personnellement informé les collaborateurs de ces changements dans le cadre d’un « Tour de Suisse » , à près de 60 manifestations sur 13 sites différents, et dans trois langues. Une enquête ultérieure a montré les résultats suivants : plus de 90% des collaborateurs considèrent le développement de l’AFD comme une chance.

Le taux de rotation s’est-il modifié? D’autre part, sentez-vous un intérêt croissant de la part des talents émergents ?

Ces cinq dernières années, le taux de rotation a quelque peu progressé, mais reste inférieur à la moyenne de l’ensemble de l’administration fédérale. Et oui, nous sentons en effet un vif intérêt. Nous avons le privilège de mener le plus grand projet de transformation de l’administration fédérale. Par ailleurs, nous empruntons de nouvelles voies en matière de mise en œuvre. Tout ceci éveille les curiosités, et de e nombreux collaborateurs souhaitent en faire partie. Mais sur le plan externe également, l’intérêt est considérable. Le nombre de candidatures spontanées ne cesse d’augmenter.

Début août 2019, l’OFIT a mis en adjudication trois lots sur le site simap.ch, pour un montant total de 28 millions de francs : « Concept global de transformation » , « Mise en œuvre de la transformation culturelle » et « Accompagnement dans les méthodes et les pratiques de travail agiles » Recherchez-vous un soutien externe ?

La transformation constitue un défi global. Cela figurait déjà dans le message de 2017. Cette mise en adjudication nous garantit le cadre nécessaire en matière de droit des marchés publics jusqu’en 2028, et nous permet d’avoir recours à un soutien externe de façon ciblée, pour venir compléter et alléger nos propres dirigeants et spécialistes. Les défis posés en matière de formation ( continue ) au cours des prochaines années, parallèlement aux opérations d’exploitation, ne peuvent pas être relevés uniquement avec les ressources existantes.

Les professions Spécialiste de douane et Garde-frontière seront plus exigeantes lorsqu’elles seront fusionnées, et pas uniquement en ce qui concerne les compétences numériques. De quoi s’agira-t-il à l’avenir ? Quels talents sont recherchés ?

Comme partout dans le monde du travail actuel, nous attendons une flexibilité élevée ainsi qu’une disposition à affronter en permanence les nouvelles exigences et les nouveaux défis. Nous avons besoin de collaborateurs engagés, qui réfléchissent de manière constructive et assument leurs responsabilités. Cette nouvelle profession sera très exigeante. Mais elle offre à la fois des activités intéressantes et variées et de meilleures perspectives.

Comment les formations ( continues ) se dérouleront-elles ? Y a-t-il déjà des concepts de formation ? Une formation continue peut-elle être possible sans devoir recruter davantage de personnel ?

La formation ( continue ) constitue un facteur essentiel à la réussite de notre transformation. Des concepts de formation sont actuellement élaborés. Ils sont mis en œuvre de manière progressive, principalement par nos spécialistes chevronnés. Avec le campus de Liestal, nous disposons de notre propre centre de formation bien équipé. Des renforts supplémentaires, parfois externes, sont par moments également sollicités.

Comment les structures salariales sont-elles harmonisées ? Y a-t-il un éventuel risque de mécontentement ?

On connaît le défi, mais la solution ne sera déployée que dans quelques années, je l’ai clairement communiqué aux collaborateurs. Premièrement, nous devons définir et évaluer les nouvelles professions et fonctions. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’un nouveau système de rémunération peut être créé pour l’ensemble de l’AFD. Les conditions-cadres de l’administration fédérale relevant du droit du personnel ainsi que les possibilités de financement doivent ce faisant être respectées. De plus, nous discutons avec les collaborateurs et les partenaires sociaux.

Venons-en à l’aspect économique du programme DaziT : quels fournisseurs/entreprises participent à ce pro­­gramme ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le secteur privé, et invitons régulièrement les associations et entreprises intéressées à des séances d’information. Les entreprises peuvent mettre à profit leurs connaissances pratiques dans des groupes de travail. Les exigences sont définies, la convivialité des nouvelles applications est optimisée et les utilisations pilotes sont réalisées. Près de 25 entreprises sont actuellement activement impliquées, une tendance qui ne cesse de croître.

Des fournisseurs étrangers participent-ils également ? En quoi la conformité est-elle garantie pour ceux-ci ?

L’administration fédérale est soumise au droit des marchés publics. Les fournisseurs étrangers peuvent également soumettre leurs propositions.

Pour garantir la conformité, les fournisseurs éventuels doivent tous justifier de critères d’aptitude spécifiques au projet, vérifiés par nos spécialistes de l’approvisionnement. Les adjudicataires sont à chaque fois soumis à une évaluation, et les systèmes ou les transactions sensibles sont traités en conséquence.

La sécurité des données des solutions numériques est-elle garantie ? Où se trouvent les serveurs ? Qui est l’exploitant du réseau ? Les données sont-elles stockées dans le Cloud ou On Premise ?

La plus haute priorité est accordée à la sécurité des données. Les serveurs se trouvent dans les centres informatiques de l’administration fédérale et sont gérés par les prestataires de l’administration fédérale. L'exploitant du réseau de l’ensemble de l’administration fédérale civile est l’Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT). Suivant les exigences, les données sont stockées dans un Private Cloud ou dans des systèmes dédiés, les deux On Premise. L’utilisation de Public Clouds est actuellement vérifiée au sein de l’administration fédérale. La protection correspond aux normes en vigueur, mais pour des raisons qui vont de soi, des informations détaillées ne peuvent être fournies.

Encore une question concernant la « partie client » : comment les clients entendent-ils parler de solutions comme « QuickZoll » ou « Via » ?

Selon nous, les deux solutions ont démarré avec succès. Les chiffres augmentent en matière de téléchargement et d’utilisation, et les recettes générées avec « Via » dépassent désormais la barre des 300 000 francs. Et pour optimiser encore davantage les performances, nous appliquons des mesures d’information et de marketing et discutons avec les clients de manière ciblée des points pour lesquels ils nécessitent des services « classiques » . Les applications représentent des possibilités supplémentaires, viennent compléter les canaux actuels. Elles nous permettent de cibler une nouvelle clientèle familiarisée avec les solutions numériques, et parfois de générer ainsi des recettes supplémentaires pour la Confédération.

 

Présentation de Christian Bock

Christian Bock, docteur en droit, a obtenu son diplôme de droit à l’Université de Bâle. Il est avocat et notaire, et est également diplômé en droit économique européen et international, ainsi qu’en gestion d’entreprise. Il travaille pour l’administration fédérale depuis 1994. Il a été directeur adjoint de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), puis directeur de l'Institut fédéral de métrologie (METAS) entre 2008 et 2016. Il est actuellement directeur de l’AFD depuis 2016.

Avec DaziT, l’Administration fédérale des douanes (AFD) mène le plus important programme de transformation au sein de l’Administration fédérale. Le secteur technologique connaît une évolution fulgurante. Quel impact cela peut-il avoir sur l’organisation et les collaborateurs ?

© AFDLes nouvelles solutions comme l’application « QuickZoll » per­met­tent de dédouaner en ligne des marchandises circulant dans le trafic privé.Les nouvelles solutions comme l’application « QuickZoll » per­met­tent de dédouaner en ligne des marchandises circulant dans le trafic privé.Avec la numérisation croissante, une circulation des personnes et des marchandises toujours plus importante aux frontières ainsi que l’accélération des échanges commerciaux internationaux, l’Administration fédérale des douanes (AFD), qui, avec près de 4700 collaborateurs, génère environ un tiers de l’ensemble des recettes de la Confédération (près de 23 milliards de francs en 2018), est confrontée à des défis majeurs. L’économie 4.0 requiert des processus numériques simples, flexibles et non bureaucratiques pour le passage aux frontières. Les politiques exigent une réduction des coûts règlementaires ainsi que davantage d’efficacité concernant le recouvrement des recettes. La sécurité aux frontières doit par ailleurs être renforcée au vu des flux migratoires mondiaux extrêmement volatils ainsi des passeurs, trafiquants, terroristes, fraudeurs et auteurs d’actes de criminalité économique qui agissent de plus en plus effrontément en réseau.

DaziT : un programme colossal

Pour pouvoir relever tous ces défis, le programme DaziT
(« Dazi » qui signifie la frontière en romanche, et « T » pour transformation ; voir www.dazit.admin.ch) a été lancé le 1er janvier 2018. Les Chambres fédérales ont promis un crédit d’engagement de près de 400 millions de francs pour ce programme. Christan Bock, directeur de l’AFD, en a par ailleurs fait son cheval de bataille. Il gère personnellement ce programme en tant que mandant, et la sous-directrice de l’AFD Isabelle Emmenegger assure la direction du programme.

Le programme DaziT vise les objectifs suivants : simplification, harmonisation et numérisation continue de toutes les perceptions des redevances et des droits de douane ainsi que des procédures douanières, minimisation des coûts règlementaires, renforcement de la sécurité (aux frontières) à l’aide de contrôles plus efficaces. Tout cela requiert un vaste programme de transformation global, qui englobe tant la structure et la culture organisationnelle que la formation (continue), ainsi que des processus, des outils de travail, une infrastructure et des bases juridiques.

Ce qui existe déjà

© AFDLa numérisation croissante du transport de marchandises et de son contrôle permet d’accroître la simplicité, la rapidité et la sécurité.La numérisation croissante du transport de marchandises et de son contrôle permet d’accroître la simplicité, la rapidité et la sécurité.Certaines choses ont déjà été accomplies. L’application « QuickZoll » permet les dédouanements numériques pour les déplacements touristiques privés, et l’application « Via »
la perception en ligne de la redevance forfaitaire sur le trafic des poids lourds (RPLF) pour les véhicules étrangers. Au bureau de douane de l’autoroute Bâle/Weil am Rhein, l’AFD teste depuis mai 2019 l’application « Activ » avec des entreprises, qui permet de détecter automatiquement les transports de marchandises à la frontière. À l’interne, les collaborateurs du Corps des gardes-frontière (Cgfr) peuvent contrôler via un smartphone les passeports et les cartes d’identité avec l’application « eneXsMobile », indépendamment du temps et du lieu, et les forces d’intervention mobiles peuvent accéder aux images de vidéosurveillance du trafic transfrontalier via un smartphone.

Ce qui est actuellement en cours

Neuf projets, dont « EES/ETIAS » (Entry Exit System/European Travel Information and Authorisation System) qui est la pièce maîtresse du projet « EU Smart Borders » pour des contrôles plus efficaces aux frontières extérieures de l’espace Schengen, « Données de base » pour la centralisation des banques de données jusqu’ici hétérogènes de l’AFD, le portail client « Portail électronique » et « Refonte trafic marchandises/redevances » pour la numérisation des processus relatifs à l’importation, l’exportation et le transit des marchandises ainsi que l’imposition d’opérations réalisées sur le territoire suisse, sont actuellement déployés. Des projets additionnels sont initialisés en permanence.

Dans le même temps, l’AFD incite les clients, par le biais de mesures de marketing, à utiliser les offres numériques et explique à son propre personnel la nécessité de ces changements, afin que les collaborateurs contribuent activement à ce changement. Ces deux actions sont indispensables à la réussite. Une solution numérique commence en effet à receler un potentiel lorsque les personnes reconnaissent son utilité concrète et sont en mesure de l’appliquer.

L’AFD en a pleinement conscience, et mise également fortement sur les méthodes de conception centrée sur l'utilisateur. Des mesures sont nécessaires à cet effet, comme les enquêtes utilisateurs, les analyses des besoins, les tests et les projets pilotes, tant avec les clients qu’avec les utilisateurs internes. L’AFD accorde en outre une grande importance à la simplicité, la convivialité et l’intuitivité des nouvelles applications.

L’AFD devient l’OFDF

Outre cette transformation des processus, l’AFD se transforme également sur le plan organisationnel. La « séparation personnelle et organisationnelle » entre le personnel des douanes et les gardes-frontière de l’AFD est supprimée. Dans le futur Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), qui vient remplacer l’AFD, les collaborateurs formés de manière homogène, vêtus d’un uniforme et armés (selon les missions), et spécialisés dans le contrôle soit des marchandises, soit des personnes, soit des moyens de transport, devront agir rapidement. Le personnel entrant est dès le début formé aux nouvelles méthodes de travail et technologies, et les collaborateurs actuels sont préparés au monde numérique à l’aide de formations ciblées.

Sur le long terme, les forces d’inter­vention devront former une unité opérationnelle qui, au lieu d’agir dans les régions gardes-frontière et les arrondissements actuels, agiront dans de nouvelles structures, régionales et locales (qui doivent encore être définies). Les forces d’intervention pourront ainsi réagir avec plus de rapidité et flexibilité aux changements de situation (p. ex. la pression migratoire), renforcer leurs actions « à la frontière» et agir de façon mobile à l’intérieur du pays. La numérisation est toutefois indispensable à cet effet : les tâches administratives répétitives sont automatisées, afin que les collaborateurs puissent se concentrer sur leur mission principale : une sécurité intégrale aux frontières, pour le bien de la population, de l’économie et du pays.

Près de 2 100 membres du Corps des gardes-frontière (Cgfr) sécurisent 1 935 kilomètres de frontière nationale. À la frontière allemande, ils sont rejoints par des agents de la police fédérale allemande au sein de groupes d’intervention commune (Gemeinsame operative Dienstgruppen, GoD). Un modèle d’avenir, comme le montre un examen sur place.

© Jörg RothweilerUne patrouille du GoD en action: le garde-frontière Philippe Bärtschi et l’agent de police fédérale Alexandra Meyer contrôlent les passagers dans un train transfrontalier.Une patrouille du GoD en action: le garde-frontière Philippe Bärtschi et l’agent de police fédérale Alexandra Meyer contrôlent les passagers dans un train transfrontalier.La frontière entre l’Allemagne et la Suisse est longue de plus de 300 kilomètres. De nombreux passages frontaliers, des rues, des chemins ruraux, des lignes de chemin de fer transfrontalières, des fleuves, une nature en partie inaccessible et bien sûr le lac de Constance, rendent la surveillance extrêmement difficile. Les contrebandiers, les passeurs, les migrants illégaux et les criminels le savent aussi. Les découvrir et les arrêter est la mission de la police fédérale allemande d’un côté de la frontière et de l’Administration fédérale des douanes (AFD), de l’autre.

Sur la base d’une convention conclue entre les forces de l’ordre suisses et allemandes, une étroite coopération policière existe depuis 17 ans. En font partie, depuis 2015, deux groupes d’intervention commune (GoD) entre la région gardes-frontière I (Cgfr Rég I, Bâle) et l’inspection de la police fédérale allemande (BPOLI) de Weil am Rhein ainsi qu’entre la Cgfr Rég II (Schaffhouse) et la BPOLI de Constance. C’est dans la dernière région que sont postés Philippe
Bärtschi, garde-frontière depuis 29 ans et Alexandra Meyer, appartenant à la police fédérale allemande depuis 28 ans. Le duo patrouille régulièrement en tandem de part et d’autre de la frontière nationale, tout comme aujourd’hui.

Comme chaque jour, le service du GoD commence par l’échange de la situation actuelle dans le poste opérationnel respectif. Alexandra Meyer informe Philippe Bärtschi, qu’en Allemagne, un turc est recherché pour le meurtre d’une personne et que ce dernier tenterait certainement de fuir à l’étranger. En se basant sur cette information et d’autres renseignements, les deux collègues établissent un plan d’action général. Ils vérifient en outre où d’autres patrouilles frontalières sont en activité et contactent les centrales de commandement. Peu après dix heures, ils montent dans leur voiture de service pour contrôler les rues, les parkings, les chemins, les places, les gares, les trains et les correspondances des ferries, y compris les liaisons entre Friedrichshafen et Romanshorn.

© Jörg RothweilerLe «service aux clients et aux touristes» fait également partie du quotidien d’une patrouille du GoD: les agents expliquent à un couple de personnes âgées, que les billets sont disponibles à bord du ferry.Le «service aux clients et aux touristes» fait également partie du quotidien d’une patrouille du GoD: les agents expliquent à un couple de personnes âgées, que les billets sont disponibles à bord du ferry.Ils atteignent la zone portuaire quelques minutes avant leur arrivée. Philippe Bärtschi saute de voiture: « Occupe-toi des véhicules, je vérifie les piétons et les cyclistes. » Pratiquement arrivé sur la rampe du ferry, il se retourne une nouvelle fois: « Et arrête la BMW immatriculée à Wiesbaden. Il faut l’examiner de près! » Dans la zone portuaire, il avait déjà murmuré: « Regarde. Une voiture de location. Toute propre. A priori en surcharge. Jeune conducteur, passagère plus âgée, vitres teintées. » Rien de neuf pour la collègue allemande. « Son instinct est proverbial. Il a des yeux de lynx, un flair de fin limier – et une énorme expérience. » Philippe Bärtschi ne découvre rien chez les piétons, pas plus au niveau des camions et des camping-cars, qu’il fait sortir pour contrôler la Redevance forfaitaire sur le trafic des poids lourds (RPLF) et où tout est en ordre. « Construction légère. Pas de 3,5 tonnes » constate Bärtschi brièvement.

Alors, par ici la BMW ! Alors que Philippe Bärtschi vérifie les papiers de la voiture de location, Alexandra Meyer lance une recherche sur le propriétaire de la voiture, suivie d’une demande d’information sur les occupants allemands.
Philippe Bärtschi vérifie en même temps l’identité des autres voyageurs, tous citoyens suisses. Il les laisse repartir peu de temps après. « Tout est en ordre! Merci beaucoup et passez une bonne journée au salon Eurobike à Friedrichshafen! » Les occupants de la BMW n’arriveront pas en retard, car la policière allemande a fait signe au ferry d’attendre la voiture.

Pendant que cette dernière roule en direction du bateau, Bärtschi se dirige à nouveau d’un pas rapide vers la rampe. Deux hommes, arrivés en dernière minute et chargés de nombreux bagages, tentent de monter à bord du ferry. Mais cela n’est possible qu’après qu’ils ont montré leur carte d’identité, ce qui rend l’un d’entre eux très nerveux. Après avoir effectué une nouvelle recherche, Alexandra Meyer en a vite compris la raison: le jeune homme est connu des services de police allemands et consigné par deux fois. Mais comme rien ne peut lui être reproché actuellement, lui et son compagnon peuvent embarquer à bord du ferry.

© Jörg RothweilerChaque journée de travail commence par un briefing au cours duquel le garde-frontière Philippe Bärtschi et sa collègue allemande Alexandra Meyer s’échangent d’importantes informations émanant des deux autorités.Chaque journée de travail commence par un briefing au cours duquel le garde-frontière Philippe Bärtschi et sa collègue allemande Alexandra Meyer s’échangent d’importantes informations émanant des deux autorités.Le tandem transfrontalier utilise le temps libre jusqu’à l’arrivée du prochain ferry pour effectuer un contrôle de train. En quelques minutes, ils atteignent la gare, sautent en dernier dans le train et vont d’une rangée à l’autre. Les passagers se laissent contrôler avec calme, même si « c’est plutôt surprenant », déclare une dame. Lorsque Philippe Bärtschi découvre un homme avec une couronne de cheveux clairsemée, il fait signe à sa collègue de le rejoindre. « Là, j’ai besoin de toi », lui souffle-t-il en se dirigeant vers le passager. Celui-ci présente un « papier bleu » du centre fédéral pour requérants d’asile de Kreuzlingen, qui l’autorise à voyager à Saint-Gall, où il désire a priori se rendre. Philippe
Bärtschi est toutefois sceptique. « Selon la requête effectuée par Alexandra, il aurait déjà engagé une procédure de demande d’asile en Allemagne. Il y aurait indiqué être arménien. Une fois la procédure plus engagée, il se serait souvenu qu’il était en fait géorgien. Mon instinct me dit que ses intentions sont plus variées que de se promener à Saint-Gall. » Mais un contrôle détaillé de son sac n’apporte pas d’indices supplémentaires …

Par contre, un jeune homme assis, qui se lève dans le wagon suivant, fait quelques pas dans notre direction et se retourne pour se rasseoir, attire son attention. « Il transporte de la drogue. Je l’ai senti! », murmure Philippe Bärtschi. « S’il était resté assis, je n’aurai certainement rien remarqué. Mais il est hypernerveux, il transpire et ne peut pas rester assis tranquillement … ». Pendant qu’il vérifie les pièces d’identité du jeune homme et de sa compagne, Philippe Bärtschi les confronte à ses soupçons. « Je n’ai rien. Vous pouvez me déshabiller», déclare le suspect. « Nous allons vérifier cela », rétorque Philippe Bärtschi – et le jeune devient encore plus nerveux.

À Romanshorn, sur le chemin du bureau du Cgfr, il avoue avoir quelque chose sur lui. Au cours d’une fouille, Philippe Bärtschi saisit un peu plus de neuf grammes de marijuana et un moulin. Sa collègue allemande, qui contrôle la compagne et ses poches, ne trouve rien, hormis quelques miettes de nourriture pour chien. « Le jeune homme reste impuni, car il avait moins de dix grammes sur lui. Les drogues et le moulin sont confisqués », explique Philippe Bärtschi, dont la présence de la police n’est pas nécessaire pour traiter l’affaire. « En vertu d’accords administratifs conclus avec de nombreux cantons, les collaborateurs de l’AFD disposent de certains pouvoirs de police. Cela économise des ressources policières et augmente l’efficacité », déclare-t-il.

Il trouve cette réglementation aussi judicieuse et pratique que l’intervention des GoD. « Le fait que nous soyons à deux permet d’effectuer plus rapidement et plus simplement les vérifications, notamment dans les bases de données nationales de recherche. Par ailleurs, nous sommes absolument imprévisibles pour l’autre partie, en raison notamment de la flexibilité de notre planification en matière d’opérations ainsi que par nos contrôles de routine effectués en civil. Christian Werle, son collègue allemand et porte-parole de la BPOLI de Constance acquiesce: « L’objectif du GoD du lac de Constance est notamment la prévention commune du danger et les opérations de recherche, tout en mettant l’accent sur la lutte contre la criminalité dans les zones d’intervention transfrontalières. Les mesures d’intervention bilatérales, prises en se basant sur la situation présente, sont menées en regroupant efficacement les ressources communes disponibles. Je suis convaincu qu’actuellement, nous n’avons pas atteint le niveau final de notre coopération, et que nous n’en sommes qu’au début. »

Peu de temps après, Philippe Bärtschi et Alexandra Meyer annoncent un succès de plus: sur le chemin de retour à Kreuzlingen, tous deux ont pu arrêter un véhicule avec une plaque d’immatriculation roumaine qui avait été signalé, car son propriétaire n’avait pas honoré son amende.

Les différents succès obtenus par le « tandem mixte » au cours de cette matinée, ne sont pas des cas exceptionnels. Ils montrent qu’une coopération internationale étroite est de toute première importance dans la lutte contre les bandes, les passeurs et les criminels opérant à l’échelle internationale. Dans le cas de la Suisse et de l’Allemagne, celle-ci comprend, outre les bureaux de liaison, les contacts réguliers et un échange intensif d’informations ainsi que les deux GoD, également des vastes opérations de recherche à terre, sur l’eau et dans les airs, par exemple sous forme de recherches menées conjointement par hélicoptère sur les deux territoires nationaux.

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